Henri Malartre

Article sur Henri Malartre

C’ÉTAIT UNE EPAVE

Henri Malartre fêtera son quatre-vingtième anniversaire dans quelques semaines. De longue date il avait fixé cette échéance pour mettre fin à une activité inaugurée voici un demi siècle : la restauration de vieilles voitures. Avec cette Cottin-Desgoutte du même modèle que celle qui gagna en 1924 le grand prix de Lyon, le fondateur du musée de Rochetaillée-sur-Saône…

Article d’Agnès Pierre – Le Progrès, 1986

LE GRAND PRIX D’HENRI MALARTRE

Une « Cottin-Desgouttes » 1924 restaurée par le fondateur du musée de Rochetaillée-sur-Saône

Elle a fière allure, la  » Cottin-Desgouttes  » type M3S, dans sa robe grenat à parements noirs ! Pas intimidée du tout lors de sa première sortie officielle (après une sérieuse restauration) aux Six Heures de Lyon – voitures anciennes, le 22 juin dernier.

Mais avant d’être digne de figurer parmi l’aristocratie des vieux tacots, elle en a vu de toutes les couleurs. Jusqu’à servir, profondément modifiée, comme tracteur agricole dans les vignes beaujolaises. Une déchéance certaine pour une vieille dame qui, en 1924, a gagné le Grand Prix de tourisme de Lyon, une épreuve de 300 kilomètres sur un circuit de 24,5km entre les Sept-Chemins et Givors. Avec les pilotes Lacharnay et Colas, la belle avait remporté les deux premières places, à la vitesse de 89,780 km/h pour le vainqueur.

Cette année là, Henri Malartre a 19 ans. Il a assisté à la course et a été séduit par la voiture. Mais, à l’époque, il n’était pas question pour lui de l’acheter.

La vie a continué, chacun de son côté. Henri Malartre monte une entreprise de récupération de pièces détachées de véhicules.

En 1931, on lui apporte, à la casse, une « Rochet-Schneider »de 1898. Tombé amoureux de cette automobile, il ne peut se résoudre à la réduire en pièces. Il la conserve, ainsi que d’autres qui viendront par la suite.

Son entreprise, située avenue Berthelot, est bientôt envahie de voitures anciennes. Ses employés se plaignent de ne pouvoir travailler dans de bonnes conditions.

En 1959, il achète le château de Rochetaillée-sur-Saône, pour entreposer sa collection et, poussé par le public, il ouvre un musée qui a accueilli des centaines de milliers de visiteurs. En 1974, se trouvant trop âgé et n’ayant personne, dans sa famille, intéressé pour s’en occuper, il le cède à la ville de Lyon. Mais la passion de la collection ne l’a pas quitté : il est toujours à la recherche de la « Cottin-Desgouttes » qui avait enthousiasmé sa jeunesse.

Dans un hangar:

En 1979, enfin, un ami de Villefranche-sur-Saône lui signale l’existence d’une voiture de cette marque dans le Beaujolais, au pied de la côte de Brouilly. Mais dans quel état est la belle ! Parquée dans un hangar à bois, elle n’a plus de carrosserie. Le chassis a été raccourci de 74 cm, le radiateur, en piteux état, avancé de 50cm, la direction changée de côté et une boîte de vitesse de camionnette « Renault » a été rajoutée… Pour faciliter la montée sur les terrains du vignoble !

Henri Malartre l’acquiert. Au début de 1982 commencent les réparations. Avec l’aide de Régis Malartre, son neveu, de Marc Couturier, mécanicien, et de Daniel Samba, électricien, Henri Malartre procède à un démontage minutieux. Le châssis est remis a neuf, le moteur est révisé, ainsi que la boîte de vitesse, le train avant et le pont arrière. Que de samedis ont-ils passés pour ce modèle unique au monde !

D’après photos:

Fin 1983, Jean-Claude Morel, carrossier à la Tour de Salvagny s’attaque au plan de la carrosserie d’après des photos tirées, grandeur nature, à partir de catalogues et revues. Les plans du constructeur n’ayant pas été retrouvés. Après la réalisation de la menuiserie par Jean-François Guyot, il a fallu former, à la main, les garde-boue, la malle arrière, les portes et l’ensemble de la carrosserie. Enfin, ultime étape : la peinture, et la dame était prête pour la parade…

Un travail qui a duré trois ans et demi. Il ne reste maintenant à régler que des problèmes mineurs : le rétroviseur extérieur et la roue de secours. Cette dernière, qui doit comporter 26 rayons d’un côté et 52 de l’autre, sera construite, sur mesure, par une entreprise de Savigny-lès-Beaune (Côte-d’Or). La prochaine sortie de la  » Cottin-Desgouttes » est prévue le dernier week-end de septembre, à l’occasion de la huitième édition d’Epoqu’auto qui se tiendra au palais des Sports de Lyon.

Henri Malartre qui est passé avec bonheur de la démolition de voitures à la conservation affirme que c’est sa dernière restauration. « Je l’ai promis à ma femme » explique-t-il, et chose promise… Il a toutefois réalisé son dernier grand rêve, il a gagné son Grand Prix.

COTTIN-DESGOUTTES : UNE FIRME LYONNAISE

Aux débuts de l’automobile Lyon s’était spécialisé dans les voitures rapides et de bonne qualité, tandis qu’à Paris, la construction de voiturettes était plus fréquente. La firme lyonnaise Cottin-Desgouttes établie place du Bachut, fabriquait principalement des voitures grand tourisme.

En 1905, Desgouttes, seul, présente au Salon de Paris, son premier modèle, un 24-40 CV châssis en tôle, moteur quatre cylindres a soupapes d’admission commandées avec changement de vitesse par levier coulissant.

En 1906, il s’associe avec Cottin, et en 1908, ils sortent deux modèles en six cylindrées. La Trois litres de cylindrées, modèle grand tourisme est fabriqué en 1923. Après sa double victoire au grand prix de tourisme de Lyon on 1924, le modèle est commercialisé et obtient un grand succès.

En 1927, sort la fameuse originale « Sans Secousses », la première voiture à suspension et a roues indépendantes par ressorts transversaux. En 1930, toutes les Cottin-Desgouttes seront des six cylindres. Comme pour beaucoup de constructeurs, la crise internationale de 1929 sera fatale, L’entreprise cessera ses activités en 1933.

Première étape, le châssis remis à neuf.

La Cottin-Desgouttes reprend figure … automobile. A gauche, Henri Malartre.

Première étape, le châssis remis à neuf.

Lors de sa première sortie, aux Six Heures de Lyon-voitures anciennes, le 22 juin dernier, la Cottin-Desgouttes est pilotée par Jacques Héraut, président des amateurs d’automobiles anciennes de Lyon.

Résurrection d’une « Cottin-Desgouttes » 1924.

Musée de Chauffailles

Roger Dubois, petit-fils de Cyrille Cottin, nous a envoyé cette photo d’une Cottin & Desgouttes vue au musée de Chauffailles vers 1989. Il s’agit certainement de la voiture restaurée par Henri Malartre (type M3S de 1924) et qui aurait donc été mise en vente à Chauffailles quelques années après sa restauration. 

Lyon (Rhône) – 1904-1933