Histoire

Histoire de la firme lyonnaise Cottin & Desgouttes (1904-1933)

Les débuts

En 1904, Pierre Desgoutte fonda la fabrique de voitures « Desgouttes et Cie », place du Bachut à Lyon. La production de l’entreprise débuta par le type A, une six-cylindres de 9 500 cc et 45 CV. Deux exemplaires seulement furent construits.

En décembre 1905, un châssis de 24/40 CV à moteur quatre-cylindres fut exposé au Salon de Paris. Il présentait de nombreuses innovations : une commande unique pour la pompe et la magnéto, un ingénieux dispositif d’avance à l’allumage, un embrayage métallique à commande centrale, une boîte de vitesse à quatre rapports (les troisième et quatrième vitesses se faisant par prise directe), quatre freins (deux sur le différentiel et deux sur les roues) et un carburateur à réglage automatique.

Le succès fut considérable et, début 1906, Pierre Desgoutte s’associa au riche industriel Cyrille Cottin pour créer la société « Automobiles Cottin et Desgouttes ». Pierre Desgoutte assurait la Direction Technique de l’entreprise, Cyrille Cottin la Direction Commerciale.

L’avant-guerre

La firme s’orienta progressivement vers les modèles de luxe et de sport.

De 1906 à 1914, une grande partie de la production fut consacrée aux quatre-cylindres. On note deux modèles de 3 770 cc et deux autres modèles de 4 398 et 5 097 cc. Entre 1907 et 1909, furent fabriqués également des quatre-cylindres de 50 CV (8 620 cc) et 45/70 CV (10 619 cc).

En 1907, la société fabriqua également une 30 CV de 9,5 l à six cylindres ainsi qu’une 12 CV de 2,5 l qui fut si favorablement accueillie par le public qu’elle fut produite pendant plus de quatre ans sans subir de modifications importantes. De 1908 à 1910 était offert en plus un modèle 6 cylindres de 3 619 cc.

Les années passèrent : avec une progression toujours régulière, les usines se développent. En 1913, Cottin & Desgouttes peut se targuer d’avoir sorti avec un personnel au complet de 300 personnes près de 450 voitures, ce qui était à l’époque un record puisqu’on comptait, normalement, une voiture sortie dans l’année par personne employée.

Connue pour l’extrême qualité de sa production, Cottin & Desgouttes le fut aussi pour l’intérêt qu’elle porta aux techniques d’avant-garde ; ainsi, elle fut parmi les premières à adopter le moteur monobloc, la boîte de vitesses à prise directe et la transmission à cardan.

Les compétitions

Le renom de Cottin & Desgouttes provenait également de la participation à de nombreuses compétitions.

Dès le mois de mai 1906, une voiture Cottin & Desgouttes, pilotée par Fraignac, prit la première place de sa catégorie à la course de côte de Limonest.

Encouragée par les bons résultats, la marque décida de participer à des épreuves de plus en plus importantes, depuis la Coupe de la presse en 1907 (au cours de laquelle la voiture réalisa la plus basse consommation de carburant) jusqu’au Grand Prix de France en 1911, sur le circuit du Mans (où le modèle, construit pour la circonstance, dut abandonner à la suite d’une rupture de direction après avoir réalisé le record du tour).

Cyrille Cottin, grand sportif, s’attacha d’ailleurs lui-même à imposer la marque et paya de sa personne dans maintes courses de côte, maints rallyes et autres manifestations sportives.

La guerre

Au début de la Première Guerre mondiale, la marque produisit une série de véhicules utilitaires rapides et livra aux services de l’état-major plusieurs grosses torpédos de 36 CV. La résistance des camionnettes en service aux Armées était proverbiale.

Cottin & Desgouttes fit encore pendant la guerre des moteurs spéciaux pour locotracteurs. En 1915 l’usine Cottin-Desgouttes de Lyon produisit des moteurs d’aviation Gnome et Rhône.

L’après-guerre

A la fin du conflit, Cottin & Desgouttes se trouva à la tête d’usines bien équipées et dans une situation financière suffisamment bonne pour se lancer à nouveau sur le marché des voitures de luxe. Le personnel, entraîné à produire une mécanique soignée, passa facilement des fabrications de guerre à celles des voitures de tourisme et la construction des camionnettes fut poursuivie.

En 1921, un type K, dérivé du type DF de 1915, fut présenté. Sur la base d’une augmentation de la course du moteur du type K (14/16 CV et 3 216 cc) furent réalisées deux mécaniques de cylindrée supérieure, le 18/20 CV de 4 072 cc et le 23/25 CV de 5 026 cc.

En plus des gros modèles construits juste après la guerre, la firme sortit, en 1922, une voiture plus petite, tout à fait nouvelle et d’un prix assez modique. Ce modèle, appelé type M, était équipé d’un moteur à quatre cylindres de 2 600 cc (80 x 130 mm) à soupapes en tête commandées par des tiges et des culbuteurs, et disposait de freins assistés sur les quatre roues. Le vilebrequin reposait sur cinq paliers et possédait des masses d’équilibrage. L’installation électrique était à double allumage avec un système mixte (magnéto et allumeur).

A l’époque où fut présentée cette voiture, Pierre Desgoutte démissionna de l’entreprise. Paul Joseph, choisi par Cottin pour le remplacer, fut chargé de réaliser, à partir du type M, une voiture plus puissante et plus rapide destinée à la compétition.

D’une structure pratiquement identique, ce modèle de 3 l fut doté d’une nouvelle culasse avec deux bougies par cylindre disposées horizontalement, ainsi que d’un système de distribution également redessiné, qui comprenait désormais trois soupapes par cylindres (deux pour l’admission et une pour l’échappement, conformément au schéma classique). Une voiture équipée de ce moteur remporta le Grand Prix du Tourisme de l’Automobile Club de France, ce qui fut à l’origine de la sortie d’un modèle dénommé « Grand Prix ».

Cottin & Desgouttes effectua à cette époque les premières études de profil aérodynamique ; elles furent utilisées pour les modèles de 1925, et notamment pour la torpédo-bateau à quatre places, avec son arrière effilé.

En 1925, la marque présenta la « Sans-Secousse », pourvue d’un moteur de 2 614 cc et dotée d’un châssis entièrement redessiné, d’amortisseurs à palettes de type Houdaille et de quatre roues indépendantes. A l’avant, la suspension était assurée par un ressort à lames transversal et par deux barres de guidage verticales supportant les amortisseurs hydrauliques ; à l’arrière, elle était réalisée par des demi-arbres oscillants à double joint de cardan et était assurée par deux ressorts à lames transversaux superposés.

A la présentation de la voiture au Salon de Paris, Gaston Doumergue, alors Président de la République, félicita le constructeur automobile lyonnais pour son invention historique, qui devait promouvoir l’industrie automobile de la patrie. Cottin aurait répondu que l’état y avait largement contribué – par le mauvais état des routes. Il est vrai que la Sans-Secousse connut un grand succès à l’étranger, comme en témoigne cette publicité hollandaise:

En 1930, le premier rallye saharien de voitures de tourisme fut remporté par quatre voitures « Sans-Secousse » qui firent la preuve d’une belle endurance. Il s’agissait de roadsters de sport à moteur de 14 CV, dépouillés des ailes et accessoires inutiles, avec un rapport poids-puissance élevé et une suspension indépendante à l’avant et à quatre ressorts transversaux à l’arrière, avec pont type de Dion ; elles assuraient, même sur des pistes médiocres, une vitesse élevée.

Le déclin

Malgré ces succès, l’entreprise fut une victime de la crise économique dès le début des années 30. L’usine se traînait. Une « Sans-Secousse » coûtait deux fois le prix d’une Citroën 6 cylindres.

La dernière voiture construite par Cottin & Desgouttes fut de facture beaucoup plus conventionnelle ; elle reçut un six-cylindres latéral de 3813 cc.

La production cessa en 1931. En 1933, les dernières voitures sous la marque Cottin & Desgouttes, assemblées avec des éléments du stock, furent vendues.

Lyon (Rhône) – 1904-1933